Fils de militaire, destiné à suivre la carrière de son père, Yannick Haenel, né en 1967, fait ses études au Prytanée militaire de La Flèche, dont il "s’échappe" en lisant Rimbaud. Il gagne ensuite Paris, où ce "déserteur dans l’âme" fonde avec François Meyronnis, la revue Ligne de risque. Figures tutélaires de ce professeur de lettres, Louis-René Des Forêts et Philippe Sollers.
Après Les Petits Soldats (La Table ronde, 1996), il publie chez Gallimard, dans la collection de Philippe Sollers, "L’Infini", Introduction à la mort française, son deuxième roman (2001). Suivront Evoluer parmi les avalanches (2003), Poker, livre d’entretiens avec Philippe Sollers, cosigné avec François Meyronnis, tout comme Prélude à la délivrance. Mais c’est avec le somptueux Cercle (Gallimard, "L’Infini", 2007) qu’il élargit son public et acquiert une belle notoriété en remportant le prix Décembre et le prix Roger-Nimier.
Déjà récompensé en ce début d’automne par le prix Fnac, Jan Karsky est un roman troublant et atypique dans sa forme sur la mémoire du mal. En effet, pour retracer le parcours de ce résistant polonais, messager de la résistance polonaise auprès du gouvernement en exil à Londres, qui tenta d’alerter les alliés sur la Shoah, Yannick Haenel bâtit son livre en trois parties : une première, inspirée du témoignage de Jan Karsky dans le film Shoah, de Claude Lanzmann ; une deuxième, fondée sur les Mémoires de Karsky (Histoire d’un Etat secret). Enfin, une troisième partie proprement fictionnelle – sans doute la plus belle – où, sous la forme d’un monologue, Haenel revient sur la complicité "passive" des Alliés dans les grandes tragédies du XXe siècle et l’insondable question du mal. Avec, en filigrane tout au long de ce livre magistral, une question : qui témoigne pour le témoin ?