Marc Ravalomanana, un autodidacte élu devenu trop gourmand

 
Le "PDG de Madagascar" a été mis à la porte. C’est un échec cinglant pour Marc Ravalomanana, homme d’affaires habitué aux succès. Né il y a presque soixante ans dans un village à l’est d’Antananarivo, cet enfant d’une famille qui en compte huit a fait peu d’études, mais a appris vite.
 

Livreur de lait dans la petite entreprise familiale de yaourt, il est devenu patron de sa propre société au début des années 1980 en allant frapper aux portes des bailleurs de fonds internationaux. En une décennie, l’autodidacte a créé un empire agroalimentaire dans la Grande île. Huile, eau minérale, jus de fruits, yaourt…, les produits Tiko deviennent des incontournables du quotidien des Malgaches.

En 1999, Marc Ravalomanana surprend. Sans étiquette politique, il entre à la mairie de la capitale. Un tremplin idéal pour affronter deux ans plus tard l’indéboulonnable président Didier Ratsiraka. Dans les urnes, puis dans la rue, pendant six mois de crise au bout desquels l’"amiral rouge" jette l’éponge en se réfugiant en France.

Le nouveau locataire du palais d’Iavoloha suscite un espoir immense parmi la population. Les Malgaches ne sont pas déçus. Dans l’un des pays les plus pauvres de la planète, ce pratiquant du culte protestant transforme plusieurs milliers de kilomètres de pistes en routes. Dans les campagnes, davantage d’enfants deviennent écoliers, les récoltes des paysans sont mieux rétribuées, et l’accès aux soins est amélioré. Sa politique d’ouverture aux investissements étrangers assure à la croissance malgache un taux annuel moyen de plus de 5%.

ABSENCE D’ÉCOUTE

Mais son ambition pour le pays est bientôt rattrapée par son ambition personnelle. Ce père de quatre enfants tient encore les rênes de ses sociétés, officiellement déléguées à ces proches. Il utilise les ressources étatiques pour les faire fructifier et mettre des bâtons dans les roues de ses concurrents. Sa défense d’une politique économique libérale s’arrête là où débutent les intérêts de ses monopoles, suscitant la frustration des opérateurs économiques.

Réélu en 2006, il prête de moins en moins attention aux revendications sociales d’une partie du peuple qui souffre de l’inflation et d’un accroissement des inégalités. Au quotidien, sa réputation de dirigeant efficace est ternie par son absence d’écoute de ses conseillers. L’homme de petite taille et au regard d’acier ne supporte plus la contradiction. Il s’arrange pour que ses opposants ne soient que des êtres de papier, et les médias des porte-voix officiels.

Que ce soit la victoire d’Andry Rajoelina lors des élections municipales dans la capitale en 2007, ou encore l’indignation soulevée par l’affaire de location de terres malgaches à la compagnie sud-coréenne Daewoo en 2008, M. Ravalomanana ne détecte pas les signaux d’alerte. Devant son palais assiégé par les manifestants, le sang coule, le 7 février, tandis qu’il s’enferme dans un mutisme suicidaire.

Sébastien Hervieu, Le Monde, 18.03.09

http://www.lemonde.fr/afrique/article/2009/03/18/marc-ravalomanana-un-autodidacte-devenu-trop-gourmand_1169316_3212.html

About Marc Leprêtre

Marc Leprêtre is researcher in sociolinguistics, history and political science. Born in Etterbeek (Belgium), he lives in Barcelona (Spain) since 1982. He holds a PhD in History and a BA in Sociolinguistics. He is currently head of studies and prospective at the Centre for Contemporary Affairs (Government of Catalonia). Devoted Springsteen and Barça fan…
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